FONCTIONNEMENTS NEUROLOGIQUES PAR ÉTAPES
Hypnose et cerveau : les régions cérébrales mobilisées à chaque étape d’une séance :
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Pre-Talk (Discussion préliminaire)
Schéma : Le cortex préfrontal (en rose) et le cortex cingulaire antérieur (jaune) sont activés pendant le dialogue conscient, tandis que l’amygdale (en violet pâle) intervient dans la gestion de la peur et de la confiance. L’hippocampe (en gris clair) contribue au rappel de souvenirs pertinents.
Au cours de la phase de Pre-Talk, le praticien d’hypnose échange avec le sujet afin d’établir un rapport de confiance et de clarifier le déroulement de la séance. Sur le plan cognitif, cette conversation mobilise les aires frontales du cerveau impliquées dans la compréhension, l’attention et le raisonnement. En particulier, le cortex préfrontal dorsolatéral (CPFDL) s’active pour soutenir l’attention soutenue et le traitement rationnel des informations transmises par le thérapeute. Sur le plan émotionnel, le Pre-Talk vise à apaiser les inquiétudes du sujet : cela se traduit neurobiologiquement par une diminution progressive de l’hyperactivité éventuelle de l’amygdale, structure limbique impliquée dans la peur. En instaurant un sentiment de sécurité, on observe en effet une réduction de la réponse défensive de l’amygdale, ce qui est essentiel pour développer une confiance interpersonnelle normale
. Parallèlement, le cortex préfrontal ventromédian et le cortex cingulaire antérieur, connectés à l’amygdale, contribuent à évaluer le contexte social et émotionnel de l’échange afin de lever les méfiances. L’hippocampe peut également être sollicité lorsque le patient évoque des souvenirs liés à son problème, préparant le terrain aux objectifs thérapeutiques. L’effet combiné de ces processus aboutit à une diminution de l’anxiété et à une alliance thérapeutique propice à l’induction hypnotique à venir.
Régions cérébrales principales sollicitées :
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Cortex préfrontal dorsolatéral (CPFDL) – Activité élevée pour la compréhension rationnelle et l’attention aux explications du thérapeute. Il aide le sujet à analyser les informations, modérant ainsi ses inquiétudes initiales par une compréhension logique du processus hypnotique.
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Cortex cingulaire antérieur (CCA) – Implication dans le contrôle émotionnel et l’évaluation du contexte. En Pre-Talk, la partie antérieure du cingulum surveille les signaux de conflit ou d’erreur et peut ajuster le comportement en conséquence
. Un CCA fonctionnel permet ainsi d’atténuer l’anxiété en régulant les réponses émotionnelles inadaptées. -
Amygdale – Fortement impliquée au départ dans la réponse de peur ou de méfiance vis-à-vis de l’hypnose. Lorsque le thérapeute rassure le patient, l’amygdale réduit son activité (temporalement, dans le lobe temporal médian), ce qui correspond à une baisse de la vigilance défensive et une augmentation de la confiance
. Cette désactivation de l’amygdale est un indicateur neurobiologique de l’instauration d’un climat sécurisant. -
Hippocampe – Mobilisé lors de la remémoration de faits personnels et la mise en contexte des objectifs. Il fait le lien entre les informations nouvelles et les souvenirs antérieurs du sujet, ce qui aide celui-ci à formuler ce qu’il souhaite accomplir pendant la séance.
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Détermination des objectifs :
Une fois le rapport établi, le sujet et le praticien définissent ensemble les objectifs thérapeutiques de la séance. Cette étape mobilise intensément le traitement cognitif conscient du sujet. Le cortex préfrontal (notamment le CPFDL) est sollicité pour planifier et formuler des buts clairs, puisque cette région est le centre des fonctions exécutives de haut niveau (planification, prise de décision, anticipation). Le sujet doit faire appel à sa mémoire autobiographique pour décrire son problème et fixer un objectif : l’hippocampe intervient donc en récupérant des souvenirs précis (par ex. la première occurrence d’une phobie, ou des situations déclenchant le trouble), tandis que le cortex préfrontal médian et le cortex cingulaire postérieur (des composantes du réseau du mode par défaut) peuvent s’activer lors de cette introspection personnelle
. Sur le plan émotionnel, discuter des objectifs peut susciter de l’espoir mais aussi raviver légèrement l’inquiétude ou la détresse liées au problème abordé. Ici encore, l’amygdale peut montrer une activité fluctuante : par exemple, l’anticipation d’un changement positif peut diminuer la peur, mais l’évocation du problème peut l’augmenter momentanément. Néanmoins, le thérapeute guide l’entretien de sorte que les émotions restent régulées. Neurobiologiquement, on peut s’attendre à une coopération entre les régions limbiques et préfrontales : le cortex orbitofrontal et le cortex préfrontal ventromédian évaluent la valence émotionnelle des objectifs (coûts, bénéfices, motivation personnelle), modulant l’amygdale et le striatum (centre de récompense) pour associer les buts fixés à une perspective positive et motivante. Ainsi, cette phase consolide l’engagement du sujet en préparant son cerveau à focaliser son attention sur ces objectifs lors de la transe hypnotique.
Régions cérébrales principales sollicitées :
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Cortex préfrontal dorsolatéral – Siège de la planification et de la formulation des objectifs. Il maintient l’attention du sujet sur l’élaboration de sa stratégie de changement et organise de manière logique les informations (par ex. énoncer « je veux surmonter ma peur de parler en public » engage le CPFDL dans l’élaboration de ce plan).
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Cortex préfrontal médian et réseau du mode par défaut (DMN) – Impliqués dans la réflexion auto-référentielle. Pendant que le sujet réfléchit à ses difficultés et à ce qu’il souhaite changer, le réseau du mode par défaut (incluant le cortex préfrontal médian et le cortex cingulaire postérieur) peut entrer en action pour traiter des pensées internes relatives à soi
. Cela permet d’aligner les objectifs avec l’histoire personnelle et l’identité du sujet. -
Hippocampe – Mobilisé pour le rappel de souvenirs liés au problème et pour imaginer des situations futures une fois l’objectif atteint. En récupérant des expériences passées pertinentes, l’hippocampe fournit le contexte nécessaire à la définition précise des objectifs, tout en commençant à encoder l’intention de changement dans la mémoire épisodique du sujet.
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Amygdale et circuit limbique – Ils interviennent dans l’évaluation émotionnelle des objectifs. Si l’objectif évoqué touche une peur ou une émotion forte, l’amygdale peut momentanément s’activer (par ex. parler de « prise de parole en public » peut entraîner un pic d’anxiété). Cependant, le cortex orbitofrontal et d’autres régions de régulation émotionnelle œuvrent aussitôt à atténuer cette réaction, de sorte que l’amygdale se calme lorsque le sujet envisage positivement le changement à venir. Ce jeu d’activation/régulation limbique permet de lier l’objectif à une émotion positive (espoir, soulagement anticipé) plutôt qu’à la peur.
Induction hypnotique :
L’induction est la phase qui marque l’entrée progressive du sujet dans un état hypnotique. Le thérapeute utilise une technique (relaxation guidée, focalisation sur un stimulus, comptage, etc.) pour amener le sujet à détourner son attention de l’extérieur et la concentrer vers son monde interne. Cognitivement, l’induction se caractérise par une attention focalisée et absorbée : le sujet réduit son traitement des stimuli externes pour suivre uniquement la voix du praticien ou ses instructions. Cela s’accompagne d’une diminution de la vigilance ordinaire et d’une relaxation mentale. Émotionnellement, l’induction vise un état de calme et de lâcher-prise ; l’anxiété résiduelle doit s’évanouir, remplacée par un sentiment de sécurité et de détente. Sur le plan neurobiologique, ces changements se traduisent par des modifications nettes de l’activité et de la connectivité cérébrales.
Dès les premières minutes de l’induction, on observe une désactivation de certaines zones associatives au profit d’autres régions plus spécifiques de l’attention et de la conscience modifiée. Par exemple, l’état hypnotique émergent se caractérise par une baisse d’activité du réseau du mode par défaut (DMN), qui correspond à la diminution du flux de pensées auto-référentielles ou parasites
. Le sujet cesse de « penser à autre chose » et devient entièrement absorbé par l’instant présent hypnotique. En parallèle, les réseaux attentionnels antérieurs montent en puissance : le cortex préfrontal dorsolatéral et les aires pariétales engagées dans l’orientation de l’attention sont plus actifs
. En particulier, le couplage fonctionnel entre le CPFDL (réseau exécutif de contrôle) et l’insula (région clé du réseau de saillance, impliquée dans la conscience intéroceptive) se renforce de manière significative
. Ce renforcement de connectivité préfronto-insulaire correspond à l’augmentation de la conscience du monde intérieur et des sensations corporelles : le sujet devient très attentif à ses ressentis internes, tout en restant cognitivement guidé par les suggestions du thérapeute
En outre, l’induction s’accompagne d’une réduction de l’activité du cortex cingulaire antérieur dorsal (dACC), une région du cerveau normalement impliquée dans la détection des distractions, des conflits ou de la douleur
. Cette désactivation du dACC reflète le fait que le sujet, en transe naissante, ne s’inquiète plus des stimuli extérieurs ou des erreurs – il est dans un état d’absorption sans rumination. En lien avec cela, on a mis en évidence une diminution des connexions entre le cortex préfrontal dorsolatéral et le réseau du mode par défaut (notamment avec le cortex préfrontal médian et le cortex cingulaire postérieur)
. Ce découplage traduit une dissociation entre l’action et la conscience de soi : la personne hypnotisée suit les suggestions « sans trop se surveiller elle-même », un peu comme en pilotage automatique, ce qui facilite l’acceptation des suggestions sans autocritique excessive
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Parallèlement aux changements corticaux, l’induction modifie l’activité thalamique et du tronc cérébral. Des études en tomographie par émission de positons (TEP) ont montré que l’entrée en hypnose implique le thalamus (relais sensoriel) et la formation réticulée du tronc cérébral, structures qui régulent le niveau d’éveil cortical
. En induction, le thalamus agit comme un filtre sensoriel en diminuant la transmission des stimuli externes non pertinents, ce qui permet au sujet de se couper du monde extérieur pour mieux se concentrer sur la voix du thérapeute. Le tronc cérébral, quant à lui, ajuste le niveau d’éveil global : l’hypnose étant un état de conscience relaxé mais actif, on constate souvent une diminution de l’excitation corticale de base (rythmes plus lents) conjuguée à une préservation d’une certaine vigilance interne. Cet équilibre se manifeste dans l’activité occipitale : l’induction hypnotique s’accompagne d’une augmentation du flux sanguin dans le cortex occipital, interprétée comme un signe d’inhibition réduite entre modalités sensorielles
. En d’autres termes, l’imagerie mentale hypnotique (p. ex. visualiser un paysage apaisant suggéré par le praticien) peut activer le cortex visuel presque comme une perception réelle
, le tout dans un cerveau globalement apaisé par la réduction du bruit sensoriel concurrent.
Sur le plan neurophysiologique, l’induction correspond typiquement à une transition des ondes cérébrales vers des fréquences plus basses. L’électroencéphalographie (EEG) révèle en effet une augmentation de la puissance des ondes alpha (8–12 Hz, relaxation calme) et surtout thêta (4–8 Hz) à mesure que la transe s’approfondit
. Les sujets hautement hypnotisables produisent significativement plus d’ondes thêta que les autres, en particulier au niveau frontal
, ce qui reflète une intensification du traitement imaginaire et attentionnel propre à l’hypnose. Ces ondes lentes traduisent l’accès à un état de conscience liminaire entre veille et sommeil (proche de la méditation profonde), propice à la suggestibilité. En pratique, le sujet en induction présente souvent des signes physiologiques associés à l’activation du système nerveux parasympathique (« réponse de relaxation » du corps) : diminution du rythme cardiaque, de la pression artérielle et de la fréquence respiratoire
. Ces effets végétatifs sont pilotés par des centres du tronc cérébral et de l’hypothalamus sous l’influence de structures limbiques. Leur présence indique que le corps entier bascule en mode “repos et récupération”, optimisant la détente. Effectivement, des mesures spécialisées ont confirmé une augmentation de l’activité parasympathique dès l’entrée en hypnose, corrélée à une meilleure tolérance au stress
.
En somme, l’induction hypnotique déclenche une reconfiguration fonctionnelle du cerveau : l’attention se focalise intensément (suractivité des réseaux fronto-insulaires) pendant que la conscience ordinaire et l’auto-contrôle diminuent (sous-activité du DMN et du cingulaire antérieur)
. Le cerveau adopte un profil oscillatoire plus lent (alpha–thêta) et un état neurovégétatif de relaxation profonde. Ces ajustements ouvrent la voie à la transe profonde, en préparant l’esprit à accueillir des suggestions avec un minimum de filtre critique.
Régions cérébrales principales sollicitées :
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Cortex préfrontal dorsolatéral (CPFDL) – Fortement activé pendant l’induction pour soutenir la focalisation de l’attention et le contrôle exécutif des pensées. Il aide le sujet à rester concentré sur la voix du thérapeute ou sur une image mentale, tout en exerçant une inhibition sur les distractions. En hypnose, le CPFDL établit un lien privilégié avec les structures de conscience interne (comme l’insula)
, ce qui permet d’orienter l’attention vers l’expérience intérieure souhaitée. -
Cortex cingulaire antérieur dorsal (dACC) – Son activité diminue durant l’induction
. Normalement impliqué dans la détection des conflits, la douleur et l’attention aux stimuli externes, il se met en veille en transe. Cette baisse d’activité reflète l’absence de distraction et de souci des éléments extérieurs : le sujet hypnotisé ne ressent plus de conflit en lui (il n’analyse plus en permanence ce qu’il fait), ce qui facilite l’acceptation sans jugement des suggestions. -
Insula – Partie intégrante du réseau de saillance, elle voit sa connectivité accrue avec le CPFDL en état d’hypnose
. L’insula permet le centrage sur les sensations corporelles et émotionnelles internes (respiration, détente musculaire, etc.). Son couplage renforcé avec le cortex préfrontal signifie que l’esprit conscient du sujet et son ressenti corporel agissent de concert, augmentant la profondeur de l’absorption hypnotique (par exemple, la suggestion de lourdeur dans un bras devient une sensation réellement perçue grâce à cette connexion intime entre cerveau cognitif et intéroceptif). -
Thalamus – Agit comme un filtre sensoriel pendant l’induction. Il réduit la transmission des signaux sensoriels extérieurs non pertinents (bruits ambiants, etc.) et favorise les circuits internes. Des corrélations positives entre l’activité thalamique et la réussite de l’induction ont été rapportées
, suggérant que le thalamus contribue à induire l’état modifié de conscience en modulant la disponibilité du cortex aux informations externes vs internes. -
Formation réticulée du tronc cérébral – Centre de régulation de l’éveil, elle ajuste le tonus d’activation du cerveau pendant l’induction
. Elle permet de baisser l’alerte d’un cran (on s’approche du mode semi-endormi) tout en évitant la perte de conscience complète. C’est grâce à elle que l’hypnose n’est pas du sommeil : le sujet demeure dans un état de veille relaxée. La formation réticulée module également la réponse autonome (respiration, cœur), facilitant l’installation des signes de relaxation parasympathique. -
Réseau du mode par défaut (DMN) – Ce réseau (incluant cortex préfrontal médian et cingulaire postérieur) voit son activité chuter dès l’induction
. Le brouhaha mental s’apaise : moins de vagabondage de pensée, moins de souci de soi. Cette suspension du DMN induit une forme de dissociation : le sujet ne réfléchit plus à lui-même en train d’agir, il fait simplement ce qui est suggéré
. C’est un élément crucial pour augmenter la suggestibilité. -
Activité EEG alpha–thêta – Bien qu’il ne s’agisse pas d’une « région » anatomique, le profil des rythmes cérébraux est un marqueur important de l’induction. L’émergence d’ondes alpha puis thêta dans le cortex (notamment frontal) traduit l’état de relaxation concentrée. Les ondes thêta frontales, en particulier, sont corrélées à l’imagerie mentale vive et à l’absorption hypnotique
, témoignant que le cerveau bascule vers un mode de fonctionnement introspectif et créatif.
Transe profonde :
Après l’induction, le sujet atteint une transe hypnotique profonde. À ce stade, l’hypnose est pleinement installée : le sujet présente une suggestibilité accrue, une conscience périphérique fortement réduite et une immersion intense dans l’expérience intérieure guidée par le thérapeute. Cognitivement, la transe profonde se caractérise par un phénomène de dissociation et d’hyperfocus : certaines facultés conscientes (comme l’analyse critique ou la sensation du temps qui passe) sont mises entre parenthèses, tandis que l’imaginaire et la réceptivité aux suggestions sont à leur apogée. Le sujet peut éprouver une sensation de détachement du monde extérieur, voire de son propre corps, tout en restant capable de réagir aux instructions. Émotionnellement, la transe profonde est souvent neutre ou contrôlée : l’individu peut accéder à des émotions sur commande (par ex. revivre un souvenir triste si c’est utile pour la thérapie), mais spontanément il demeure dans un état de calme ou d’indifférence relative vis-à-vis de l’environnement. Cette stabilité émotionnelle vient du fait que les réponses automatiques de peur ou de surprise sont inhibées sous hypnose.
Du point de vue neurobiologique, la transe profonde consolide et amplifie les changements d’activité cérébrale initiés lors de l’induction. Le profil de connectivité observé pendant l’hypnose reste présent : on continue de voir une forte coopération du cortex préfrontal avec les régions de contrôle interne, et un découplage persistant d’avec les régions de conscience de soi. Les recherches en imagerie ont mis en évidence trois “marqueurs” principaux de l’état hypnotique, qui sont pleinement manifestes en transe profonde
: (1) une activité réduite du cortex cingulaire antérieur dorsal (dACC), reflet du désengagement du sujet vis-à-vis des stimuli externes ou des conflits internes ; (2) un renforcement des connexions entre le cortex préfrontal dorsolatéral et l’insula, établissant une passerelle cerveau-corps puissante permettant de moduler les sensations et émotions physiques par la pensée ; (3) une diminution des connexions entre ce même cortex préfrontal et le réseau par défaut (médiateur de la conscience de soi), induisant un “découplage” de la conscience réflexive
. Autrement dit, en transe profonde, le sujet fait ce qui est suggéré sans se demander pourquoi ni analyser comment il le fait – un état d’absorption totale.
Un effet notable de cet état est une diminution générale de la réactivité émotionnelle immédiate. Comme mentionné plus haut, l’amygdale – centre de la peur et du stress – voit son activité nettement réduite pendant l’hypnose
. Sa mise en sourdine correspond à une diminution de la réponse de stress : en transe, le sujet réagit beaucoup moins aux stimuli effrayants ou stressants. Par exemple, des études indiquent qu’en hypnose profonde, un signal normalement perçu comme menaçant n’active plus autant l’amygdale qu’en état d’éveil normal
. Cela permet d’aborder des contenus émotionnellement chargés (traumatismes, phobies) avec un certain détachement protecteur. De plus, la régulation émotionnelle top-down depuis le cortex préfrontal est optimisée : l’hypnose tend à améliorer l’activité du cortex préfrontal et sa connectivité avec d’autres régions impliquées dans le contrôle des émotions
. Cette modulation préfrontale renforcée aide à maintenir un état de calme et de maîtrise malgré les expériences intérieures intenses pouvant survenir en transe.
Au niveau des aires sensorielles et associatives, la transe profonde se traduit par une malléabilité accrue. Sous suggestion, le cerveau hypnotisé peut activer des régions sensorielles spécifiques comme s’il vivait réellement la scène imaginée
. Par exemple, une suggestion de chaleur sur la main pourra activer le cortex somatosensoriel ou les aires associatives de la douleur ; une scène visuelle détaillée évoquée en imagination pourra recruter le cortex occipital visuel. Cette propriété a été démontrée par des expériences où une douleur induite hypnotiquement engage les mêmes réseaux neuronaux qu’une douleur physique réelle
. De même, les images mentales vives sous hypnose peuvent activer le cortex auditif, olfactif, etc., en fonction du scénario suggéré. La différence majeure est que le cingulum antérieur (impliqué dans l’évaluation de la réalité de la douleur ou du stimulus) demeure inhibé : le sujet peut donc ressentir une douleur “comme réelle” tout en étant détaché de la souffrance émotionnelle qui l’accompagne habituellement
. Cette dissociation sensorielle et émotionnelle est un atout de la transe profonde, largement exploité dans l’hypnoanalgésie.
Par ailleurs, la transe hypnotique s’accompagne de modifications neuromodulatrices pouvant favoriser un état de bien-être. Certaines études suggèrent que l’hypnose pourrait moduler la libération d’endorphines (analgésiques endogènes) et de dopamine (associée au plaisir et à la motivation), bien que ces aspects soient encore investigués. En tout état de cause, de nombreux sujets rapportent un sentiment de légèreté ou de flottement en transe profonde, possiblement lié à ces ajustements neurochimiques couplés à la réduction de l’activité de l’amygdale.
Enfin, l’activité électroencéphalographique en transe profonde présente souvent une dominance du rhythme thêta, parfois avec des épisodes de rythme delta superficiel (< 4 Hz) dans les moments de relaxation extrême. Ce profil est proche de celui du sommeil léger, bien que l’hypnose ne soit pas le sommeil – le sujet peut parler et répondre en transe. La présence de fréquences lentes traduit cependant l’accès à des niveaux de conscience très profonds, où l’inconscient est plus accessible. Ceci prépare le terrain pour le travail thérapeutique intense qui suit, car le thérapeute peut alors communiquer avec les systèmes de mémoire et d’émotion du sujet avec un minimum de censure consciente.
Régions cérébrales principales sollicitées :
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Réseaux fronto-insulaires (contrôle exécutif & saillance) – Toujours en activité élevée en transe profonde, ils soutiennent l’état d’absorption. Le cortex préfrontal dorsolatéral, couplé à l’insula et à d’autres régions du réseau de saillance (comme l’aire cingulaire antérieure ventrale), maintient l’attention du sujet ancrée dans l’expérience interne. Par leur intermédiaire, le sujet peut modifier volontairement ses sensations (douleur, perception du corps) suivant les suggestions, car ces régions assurent la jonction entre l’esprit et le corps.
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Réseau du mode par défaut (DMN) décorrélé – En transe profonde, le DMN reste fortement inhibé et découplé du reste
. Le sujet a très peu de pensées auto-générées hors des suggestions. Cette suspension du DMN (incluant cortex préfrontal médian et cingulaire postérieur) se traduit subjectivement par une diminution du sens du “soi” temporel (le sujet peut perdre la notion du temps, ressentir un “vide” mental apaisant, ou se sentir spectateur de ses propres actions suggérées). Ce découplage facilite la dissociation hypnotique, où des comportements ou sensations peuvent être éprouvés sans la supervision du moi critique. -
Amygdale – Son activité réduite pendant la transe profonde contribue à un état d’équanimité émotionnelle
. Même confronté à des images mentales potentiellement stressantes, le sujet reste relativement serein. Cette hypo-réactivité de l’amygdale sous hypnose explique l’efficacité de l’hypnose pour neutraliser les phobies ou traumatismes : les souvenirs effrayants peuvent être revisités avec un amygdale « calme », permettant de les réencoder sans terreur. -
Cortex somatosensoriel et autres aires sensorielles – Réactivés sur commande. En l’absence de stimulation extérieure, ces aires peuvent soit demeurer peu actives, soit au contraire s’activer intensément sous l’effet des suggestions. Par exemple, une suggestion de lourdeur du bras activera l’aire sensorimotrice correspondante, une hallucination auditive activera les aires temporales auditives. La spécificité de la transe est que ces activations sont générées en interne. Le cerveau hypnotisé traite les images suggérées presque comme de vraies perceptions
, ce qui ouvre la possibilité de reconfigurer des perceptions ou réactions (ex: induire une analgésie en inhibant l’activation d’aires de la douleur tout en augmentant l’activation de zones de confort). -
Cortex cingulaire antérieur – Reste en mode inhibé/désactivé sur sa portion dorsale (dACC) pour la vigilance au monde extérieur
, mais peut s’activer sur sa portion subgénuale ou rostrale lors de la régulation émotionnelle. Le cingulum antérieur a une position unique de carrefour entre émotion et cognition ; en transe, sa partie “alarme” (dACC) est éteinte, mais sa partie limbique peut participer à l’expression modulée des émotions sous suggestion. Par exemple, faire surgir une émotion de tristesse contrôlée peut impliquer le cingulaire antérieur subcalleux (lié aux émotions) sans réactiver le dACC d’alarme. Ainsi, le CCA contribue de façon équilibrée à permettre l’expression émotionnelle sans débordement. -
Hippocampe et régions mnésiques – En transe profonde, l’hippocampe est prêt à reconsolider des souvenirs. Si le travail demande de revisiter un souvenir traumatique, l’hippocampe participe à en former une nouvelle version modifiée (par ex. souvenir moins effrayant). Il enregistre également tout ce qui est vécu en transe (images, métaphores) pour permettre leur intégration plus tard. Le cortex temporo-limbique environnant (parahippocampe) peut être actif lors des imageries mémorielles.
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Activité thêta persistante – Là encore, en tant que caractéristique de l’état hypnotique, la présence continue d’ondes thêta dans l’EEG frontal traduit le maintien de l’état hypnotique profond et de la suggestibilité. Des pointes d’ondes delta (< 4 Hz) peuvent même apparaître lors des phases de transe très profonde assimilables à un état de quasi-sommeil éveillé. Ces rythmes lents facilitent l’accès aux processus inconscients et une forme de communication plus directe avec les systèmes limbiques et de mémoire.
Travail thérapeutique intense (leviers de changement) :
C’est la phase centrale de la séance d’hypnose, où le praticien utilise des leviers de changement thérapeutique pendant que le sujet est en transe profonde. Ce « travail intense » peut prendre de multiples formes (suggestions directes, métaphores, reviviscence de souvenirs, réinterprétation de situations, ancrages, etc.), mais a toujours pour but de modifier des schémas cognitifs ou émotionnels problématiques du patient. Cognitivement, le sujet hypnotisé mobilise son imagination et ses capacités de visualisation de manière exceptionnelle durant cette phase : il peut revisiter mentalement des scènes passées, s’imaginer réagir différemment, créer de nouveaux scénarios, le tout sous la guidance du thérapeute. Il y a également un processus de restructuration cognitive inconsciente où de nouvelles associations d’idées se forment (par ex. l’objet auparavant effrayant devient neutre ou comique suite à la suggestion). Émotionnellement, cette étape est cruciale car elle vise souvent à faire émerger puis transformer des émotions liées au problème : par exemple, faire exprimer une colère refoulée pour la libérer, ou confronter une peur pour la dissiper. Le sujet, tout en restant dans l’état de détachement relatif qu’offre la transe, peut ressentir intensément diverses émotions sur commande, lesquelles sont ensuite réorientées vers un résultat positif (calme, soulagement, confiance en soi retrouvée, etc.).
Sur le plan neurobiologique, le travail thérapeutique engage plusieurs réseaux cérébraux en parallèle. Contrairement au maintien de la transe qui était plutôt un état stable, cette phase est dynamique : elle fait intervenir tour à tour des circuits sensoriels, émotionnels et cognitifs spécifiques en fonction des expériences intérieures suscitées. Le cerveau du sujet hypnotisé devient un véritable simulateur : chaque suggestion du thérapeute peut activer un réseau neuronal particulier comme s’il vivait réellement la situation correspondante.
Par exemple, si le thérapeute demande au sujet phobique de s’imaginer face à l’objet phobogène (p. ex. un chien) dans un contexte sécurisant, cela va vraisemblablement activer l’amygdale du sujet (puisque la peur est rappelée), mais de façon modulée par l’état hypnotique. En effet, simultanément, le cortex préfrontal du sujet (notamment ventromédian) va travailler pour recontextualiser la peur et en atténuer la charge émotionnelle (“ce chien imaginaire ne peut pas me mordre, je suis en sécurité”) – un processus de reconditionnement. Des études d’hypnose sur les phobies ont montré l’activation conjointe de l’amygdale, de l’hippocampe, de l’insula et du cortex cingulaire lorsque le sujet est confronté sous hypnose à des stimuli phobiques, reflétant la réactivation contrôlée de la peur en mémoire suivie de sa régulation
. Ce traitement intégré dans le cerveau aboutit progressivement à découpler le stimulus de la réponse de peur. En termes de réseaux, on pourrait dire que le réseau de la peur (amygdale, hippocampe, hypothalamus) est désamorcé par l’intervention du réseau de régulation fronto-limbique (cortex préfrontal, cingulaire antérieur subgénual) dans un contexte où le sujet ne subit pas le stress réel grâce à la transe.
Si le travail hypnotique consiste en une reviviscence d’un souvenir traumatique pour le “réparer”, l’hippocampe et les régions mnésiques corticales (cortex rétrospénial, temporaux) du sujet vont rejouer l’épisode. L’imagerie mentale du souvenir activera l’hippocampe et souvent l’amygdale (puisque le souvenir traumatique comporte de la peur ou de la détresse). Mais sous hypnose, le thérapeute peut introduire des éléments nouveaux dans ce souvenir (par ex. suggérer la présence d’une figure protectrice, ou faire observer la scène de l’extérieur) : le cortex préfrontal du sujet, en état de suggestion, va alors reconstruire le souvenir différemment, engageant potentiellement le cortex orbitofrontal et le cortex pariétal (pour intégrer les éléments nouveaux dans la scène visuelle). Le résultat est la création d’une traçabilité neuronale alternative du même événement – le souvenir est reconsolidé différemment, avec une charge émotionnelle modifiée. L’hippocampe joue ici un rôle central d’édition mnésique en enregistrant cette nouvelle version, tandis que l’amygdale voit son couplage au souvenir atténué (moins de réponse émotionnelle négative associée). Ce phénomène utilise la plasticité synaptique : l’hypnose, en permettant de rejouer l’expérience émotionnelle dans un état neurochimique particulier (stress réduit, concentration élevée), favorise de nouvelles connexions entre l’expérience et des émotions plus neutres ou positives. Cela illustre comment des leviers de changement tels que la régression en âge ou la désensibilisation sous hypnose s’inscrivent au niveau cérébral.
De plus, l’hypnose peut faire appel aux aires motrices et sensori-motrices du sujet pour ancrer les changements. Par exemple, lors d’un ancrage kinesthésique (associer un geste à un état positif), le cortex moteur et le cervelet (coordination) du sujet participent à la création de cette association. Le cerveau crée alors un lien nouveau entre un schéma moteur (le geste) et un état émotionnel/physiologique (calme, assurance) : cela repose sur le couplage entre le striatum (implication dans les habitudes motrices) et les aires limbiques. Sous hypnose, ce couplage peut être renforcé, de sorte qu’après la séance, effectuer ce geste re-stimule automatiquement le réseau émotionnel visé.
Le langage et les symboles utilisés par le thérapeute pendant cette phase activent également des zones spécifiques. Des métaphores thérapeutiques peuvent faire intervenir l’hémisphère droit du cerveau davantage (impliqué dans l’interprétation imagée et le traitement global) tandis que l’hémisphère gauche, plus analytique, reste en retrait. Par exemple, si l’on suggère au sujet que sa douleur est un « volume sonore qu’on peut baisser », le cerveau traduit cette métaphore : les aires auditives peuvent s’activer (à l’idée du son), les aires préfrontales frontales inférieures gauches (liées au langage) enregistrent l’instruction de la baisser, et les aires de la douleur (insula, cortex somatosensoriel) en ressentent l’effet – une diminution de l’intensité perçue, comme si on baissait un potentiomètre interne. Il s’agit d’une reconfiguration multisensorielle sous l’égide d’un concept symbolique. L’hypnose excelle à orchestrer ce genre de réponses croisées du cerveau, car l’imaginaire sous hypnose n’a pas les limites habituelles : les connexions entre régions sont plus fluides (d’où des synesthésies possibles, comme « voir » un son, etc.), permettant d’utiliser un canal sensoriel pour en moduler un autre.
En résumé, durant le travail hypnotique intensif, le cerveau du sujet est fortement sollicité de manière ciblée : chaque levier thérapeutique déclenche l’activation d’un réseau neural spécifique (peur, mémoire, douleur, motricité, etc.), immédiatement suivi d’une modulation de ce réseau par les structures de contrôle et l’effet dissociatif de l’hypnose. Ce va-et-vient sculpte de nouvelles réponses neuronales adaptées aux objectifs. Le cortex préfrontal reste le chef d’orchestre (guidé par le thérapeute à travers le sujet), tandis que le système limbique fournit la matière émotionnelle à retravailler, et l’hippocampe intègre les nouveaux apprentissages.
Régions cérébrales principales sollicitées :
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Hippocampe – Crucial pour la reviviscence et la modification des souvenirs. Pendant un recadrage d’un souvenir traumatique, l’hippocampe réactive la trace mnésique puis la re-stocke sous une forme modifiée (nouvelle association émotionnelle). Il est le support de la reconsolidation mnésique sous hypnose, permettant de créer de nouveaux souvenirs correctifs ou de nouvelles interprétations d’événements passés.
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Amygdale – Activée de manière contrôlée lors de l’exploration d’émotions négatives (peur, colère, tristesse) liées au problème. Par exemple, confronter une phobie sous hypnose fera monter l’amygdale (peur) mais moins qu’à l’état conscient grâce à l’inhibition contextuelle du stress
. Ensuite, l’amygdale est redescendue via les suggestions de calme ou de sécurité, apprenant ainsi à ne plus sur-réagir au même stimulus. En somme, l’amygdale subit un réapprentissage émotionnel : elle désapprend une peur ou associe désormais un signal avant perçu comme négatif à une émotion neutre/positive. -
Cortex préfrontal ventromédian et orbitofrontal – Ils interviennent pour re-évaluer la signification émotionnelle des images ou souvenirs évoqués. Ces régions préfrontales limbiquement connectées fournissent un contexte nouveau (“ce n’est plus dangereux”, “tu peux voir cela différemment”) qui module l’amygdale et le striatum. Elles participent ainsi à la réécriture émotionnelle des expériences : par exemple, le cortex orbitofrontal peut intégrer la notion que “le chien n’est pas hostile” dans l’exemple de phobie canine, et transmettre cette réévaluation aux circuits de la peur pour calmer leur réponse.
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Cortex cingulaire antérieur subgénual – Partie du CCA impliquée dans la régulation des émotions et la communication avec l’amygdale. Pendant le travail hypnotique, il peut s’activer pour accompagner les changements émotionnels (il est connu pour diminuer l’affect négatif lorsqu’il s’active). Il sert de relai entre le raisonnement préfrontal (“ce n’est plus effrayant”) et la réponse émotionnelle réelle (peur diminuée), jouant un rôle dans l’extinction de la peur et l’adoption de nouvelles réponses émotionnelles plus adaptées.
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Insula – Continue de surveiller les états corporels internes. Si l’hypnose vise une douleur chronique, l’insula (cortex insulaire) impliquée dans la perception de la douleur est initialement active, puis on cherche à la moduler. Sous suggestion d’analgésie, l’insula pourra voir son activité associée à la douleur diminuer, tandis que son activité associée à des sensations neutres ou agréables augmente. De plus, l’insula participe à rendre conscientes les nouvelles sensations corporelles une fois la transformation faite (ex: sentir de la chaleur là où il y avait douleur).
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Cortex somatosensoriel et cortex moteur – Utiles lors des ancrages physiques et des suggestions sensorimotrices. Par exemple, un geste d’ancrage positif active le cortex moteur (qui planifie et exécute le geste) et simultanément associe ce schéma moteur à l’état émotionnel positif en renforçant les connexions avec le système limbique et le striatum. De même, une suggestion de mouvement involontaire (catalepsie du bras, lévitation de la main) sollicite les aires motrices sans commande consciente, grâce à l’intervention du cortex pariétal et prémoteur sous influence du thérapeute (ce qui aboutit à la sensation que “le bras se lève tout seul”). Ces phénomènes montrent la prise de contrôle partielle du système moteur par des circuits différents de la volonté consciente, rendue possible par la dissociation hypnotique.
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Aires associatives multimodales – Le travail hypnotique fait souvent appel à des métaphores ou des visualisations complexes qui engagent les aires associatives pariétales et temporales. Celles-ci intègrent plusieurs sens et idées pour donner du sens à la métaphore. Par exemple, la métaphore du “volume sonore de la douleur” va activer une représentation intégrée entre le son (temporal), la notion d’intensité (pariétal) et la douleur (insula). Ces aires permettent la traduction du langage symbolique en changements concrets dans l’expérience du sujet. Leur plasticité sous hypnose est notable : les connexions entre concepts différents y sont plus aisément formées (d’où la puissance des métaphores hypnotiques qui peuvent remodeler la perception en connectant des circuits qui communiquent rarement à l’état normal).
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Cervelet et ganglions de la base – Interviennent lors de l’apprentissage de nouveaux automatismes sous hypnose. Par exemple, si l’hypnose vise à corriger un trouble moteur fonctionnel (comme un spasme psychogène) ou améliorer une performance (sportive, musicale), le cervelet et les ganglions de la base vont intégrer les nouvelles commandes motrices ou posturales suggérées. Sous hypnose, l’absence d’interférences conscientes permet à ces structures d’ajuster finement les schémas moteurs ou de coordination. Des études ont montré que l’entraînement mental sous hypnose pouvait renforcer la communication cerveau-muscle et améliorer la force ou la précision motrice
– ceci témoigne de l’efficacité de l’hypnose à exploiter directement le cervelet et les circuits moteurs corticaux pour induire des changements fonctionnels mesurables. -
Systèmes neuromodulateurs – Le travail intensif en hypnose peut aussi impliquer les systèmes diffus de neuromodulation (dopamine, sérotonine, opioïdes endogènes). Par exemple, réussir à transformer une émotion négative en soulagement peut s’accompagner d’une libération de dopamine (système de récompense mésolimbique) dans le noyau accumbens, renforçant ainsi l’adoption du nouvel état comme quelque chose de positivement ressenti. De même, l’activation du système opioïde endogène (endorphines) peut contribuer à l’analgésie hypnotique, en parallèle des changements d’activité dans les aires de la douleur. Ces systèmes ne sont pas localisés en un point unique (ce sont des réseaux de neurones à travers le cerveau), mais leur modulation sous hypnose permet d’ancrer biologiquement les changements (récompense ressentie lors d’une nouvelle attitude, absence de douleur grâce aux endorphines, etc.), ce qui augmente la durabilité de l’effet thérapeutique.
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Intégration des changements et suggestions post-hypnotiques :
Avant de terminer la transe, le praticien consacre du temps à consolider et intégrer les propositions de changement faites pendant le travail thérapeutique. C’est une phase plus calme où l’on répète des suggestions positives, où l’on visualise l’avenir sans le problème, et où l’on installe éventuellement des suggestions post-hypnotiques (des “déclencheurs” qui continueront d’agir après la séance, par ex. “dorénavant, chaque fois que vous verrez X, vous vous sentirez confiant et calme”). Cognitivement, le sujet, toujours en état hypnotique mais souvent un peu moins profond qu’au pic du travail, est dans une disposition de renforcement mnésique : son cerveau traite et répète les nouveaux messages pour les encoder en mémoire à long terme. Il y a aussi une amorce de retour de la réflexion personnelle : le sujet commence (parfois inconsciemment) à se représenter lui-même avec ses nouveaux comportements, ce qui implique une activation modérée du concept de soi. Émotionnellement, c’est une étape de stabilisation : on s’assure que le sujet quitte la transe avec des affects positifs, un sentiment de maîtrise et de bien-être. Les émotions négatives éventuellement mobilisées durant le travail intensif sont apaisées et remplacées par un état émotionnel équilibré, prêt à affronter la réalité avec les changements incorporés.
Neurobiologiquement, la phase d’intégration correspond à un moment de synthèse neuronale. Le cerveau va consolider les nouvelles connexions synaptiques qui ont été formées ou renforcées. L’hippocampe, structure centrale de la mémorisation, joue un rôle de premier plan ici : il va encoder les suggestions finales et les lier aux contextes appropriés. Par exemple, si une suggestion post-hypnotique “calme et confiance en public” a été formulée, l’hippocampe enregistre l’association entre le contexte “parler en public” et les réponses émotionnelles et physiologiques de calme. Il se peut que durant cette phase, l’hippocampe communique intensément avec le cortex préfrontal médian et le précuneus – deux régions du DMN – car le sujet peut, de façon intéroceptive, s’imaginer dans le futur appliquant ses changements (ce qui implique de penser à soi et au futur, tâche typiquement du réseau du mode par défaut
). Cette réactivation modérée du DMN en fin de séance n’est pas du vagabondage d’esprit nuisible, mais au contraire le signe que le cerveau intègre les changements dans la trame de la personnalité et de la mémoire autobiographique du sujet.
Les suggestions post-hypnotiques activent des circuits selon leur nature. Par exemple, si une suggestion associe un mot-clé à un état de relaxation, le cerveau lie ce mot (traité par les aires du langage auditives et sémantiques, dans le lobe temporal) aux schémas de relaxation (sans doute stockés via l’amygdale calmée, l’insula et le tronc cérébral parasympathique). On crée ainsi une connexité nouvelle entre une représentation symbolique et une réponse physiologique. L’aire de Broca et de Wernicke (aires du langage) du sujet peuvent être sollicitées inconsciemment pour enregistrer ce “programme” sémantique, de sorte que plus tard la simple audition ou pensée de ce mot déclenchera l’effet désiré. Le striatum (noyau caudé et putamen), impliqué dans les conditionnements stimulus-réponse, va également stocker ces liens stimulus→réaction, en collaboration avec les cortex sensoriels et moteurs si le déclencheur est visuel ou gestuel.
Durant l’intégration, le cortex préfrontal dorsolatéral reste actif pour répéter et encoder la stratégie. C’est un peu comme une phase d’entraînement mental final : le CPFDL rejoue volontairement (bien que sous hypnose) les nouvelles pensées à adopter. Par exemple, la suggestion “vous resterez calme en public” peut être mentalement répétée et imagée, consolidant ainsi les circuits neuronaux correspondants. Cette répétition favorise la potentialisation synaptique (mécanisme de mémoire) dans les voies neuronales modifiées.
Le tronc cérébral et l’hypothalamus maintiennent l’état de relaxation parasympathique pendant cette intégration pour que le cerveau soit dans les meilleures dispositions d’encodage (un état détendu favorise la plasticité et la mémoire). On peut assimiler cela à un état méditatif où le cerveau, calme mais alerte intérieurement, “imprime” de nouvelles instructions.
Enfin, au niveau des ondes cérébrales, on demeure généralement dans un régime alpha/thêta lors de cette phase, propice à la suggestion. Il n’est pas rare que des sursauts d’ondes alpha apparaissent davantage en toute fin de transe – traduisant un état de relaxation vigilante – signe que le sujet se rapproche doucement d’un état d’éveil calme tout en intégrant encore les informations.
Régions cérébrales principales sollicitées :
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Hippocampe – Il assure la consolidation en mémoire des changements. C’est lui qui va convertir les expériences hypnotiques transitoires en souvenirs et apprentissages durables. Pendant l’intégration, il renforce les nouvelles associations (situation -> réaction apprise) et il lie les suggestions post-hypnotiques à des indices mémoriels. Ce travail hippocampique est crucial pour que, plus tard, le conscient du sujet se rappelle (ou du moins réagisse selon) ce qui a été incorporé en transe.
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Réseau du mode par défaut – Partiellement réengagé pour intégrer le soi. Des régions comme le cortex préfrontal médian et le cortex cingulaire postérieur peuvent s’activer modestement lorsque le sujet imagine son futur comportement sans le problème (ce qui équivaut à se projeter soi-même dans d’autres circonstances)
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. Le DMN sert ici à recontextualiser les apprentissages : il incorpore les nouvelles réactions dans la trame de la narration personnelle du sujet (par ex. “je suis quelqu’un qui peut parler calmement en public”). Cette réintégration assure une cohérence entre l’état hypnotique et l’état de veille à venir. -
Cortex préfrontal dorsolatéral – Toujours engagé pour répéter mentalement et consolider les stratégies. Il peut mener en tâche de fond une forme de répétition cognitive des suggestions (similaire à l’élaboration mnésique consciente). Il contribue ainsi à l’apprentissage actif des nouvelles pensées ou attitudes, ce qui augmente la probabilité que le sujet puisse s’en souvenir consciemment après réveil et les appliquer.
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Aires du langage (cortex temporal gauche) – Impliquées si des suggestions verbales post-hypnotiques sont données (mots-clés, affirmations). Elles permettent d’encoder verbalement ces suggestions dans le cerveau du sujet. Par exemple, l’aire de Wernicke enregistre le mot ou la phrase-triggers avec sa nouvelle signification (elle ne sera peut-être pas rappelée explicitement, mais son empreinte est là). Ceci est important car le langage est un médiateur puissant du comportement : avoir ancré de nouveaux mots ou de nouvelles formules dans le réseau linguistique du sujet offre un raccourci pour activer les circuits correspondants plus tard.
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Striatum (noyau caudé, putamen) – Intervient dans l’encodage des routines et réflexes. Si l’hypnose installe une réponse automatique (ex: se détendre dès qu’on touche son poignet – un ancrage), le striatum enregistre ce lien stimulus-réponse comme une habitude naissante. Cette région, qui gère d’habitude les automatismes (conduite, bicyclette, etc.), intègre grâce à l’hypnose de nouveaux automatismes psychologiques (ex: automatiquement respirer profondément quand on voit un aiguillon, pour un ex-phobique des piqûres).
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Cortex cingulaire antérieur – Peut soutenir l’évaluation finale de cohérence. Il s’assure en quelque sorte qu’il n’y a plus de “conflit” entre l’ancien schéma et le nouveau. Si un doute subsistait, on pourrait voir une activité du CCA signalant un conflit non résolu. Au contraire, si l’intégration est harmonieuse, le CCA reste silencieux, ce qui indique que le cerveau accepte les nouveaux schémas sans opposition interne.
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Cortex préfrontal ventrolatéral (aire orbitofrontale latérale) – Peut participer à la vérification émotionnelle finale : est-on bien en état de calme/satisfaction en pensant aux situations futures ? L’orbito-frontal intègre le feedback émotionnel de la simulation future, et valide (ou ajuste si besoin) pour que le sujet termine la transe avec un ressenti émotionnel approprié face aux changements (idéalement du soulagement, de la confiance, de la détermination).
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Tronc cérébral (formation réticulée, noyau du nerf vague) – Maintient la cohérence physiologique de détente pendant l’encodage. En fin de transe, il veille à ce que le corps reste relaxé (rythme cardiaque stable, etc.) jusqu’à ce que toutes les suggestions soient données. Cela assure un encodage serein sans sursaut de stress. Il prépare aussi le corps au retour progressif à l’état d’éveil (augmentation très graduelle du tonus sympathique vers la fin de cette phase, pour amorcer le réveil en douceur).
Réveil (sortie de transe) :
Le réveil hypnotique est la phase où le praticien guide le sujet pour qu’il revienne à l’état de conscience ordinaire. En général, cela se fait en comptant, en donnant des suggestions de retour à l’éveil, ou en sollicitant doucement des mouvements. Cognitivement, le sujet récupère peu à peu son orientation spatio-temporelle et son esprit critique habituel. Il passe d’un mode intérieur dominé par les suggestions à un mode où il reconnaît à nouveau pleinement l’environnement et sa propre initiative de pensée. Émotionnellement, le réveil est souvent associé à un sentiment de bien-être et de fraîcheur (l’hypnose, équivalant à un état de repos, fait qu’on se réveille souvent détendu et ressourcé). Certains peuvent ressentir une légère confusion passagère juste au moment du retour à la normale, le temps que tous les systèmes se remettent en place, mais cela se dissipe en quelques secondes. Beaucoup décrivent le réveil hypnotique comme similaire à l’émergence d’une sieste revigorante.
Du point de vue neurobiologique, la sortie de transe correspond à une réorganisation brutale des réseaux de conscience. Si l’on a comparé l’entrée en hypnose à une sorte de glissement vers un état particulier de connectivité cérébrale, le réveil est le mouvement inverse : le cerveau revient au profil de connectivité “par défaut” de l’état d’éveil ordinaire. Concrètement, on assiste à une réactivation du cortex préfrontal dorsolatéral et des aires pariétales dans leur mode habituel de vigilance externe : l’attention se redirige vers l’environnement, vers de multiples stimuli concurrents. Le réseau du mode par défaut (DMN) aussi reprend son activité spontanée : le sujet retrouve un flux de pensées auto-générées, la conscience de soi en temps réel revient pleinement. On peut s’attendre à voir l’activité du cortex cingulaire antérieur dorsal (dACC) remonter, signalant que le cerveau se remet à surveiller les éventuels conflits ou stimuli externes (ce qui est normal dans la vigilance quotidienne). Parallèlement, la connectivité spéciale qui existait en hypnose (comme le lien fort CPFDL-insula) revient à son niveau de base, et les séparations (comme le découplage CPFDL-DMN) se résorbent : les réseaux re-communiquent normalement entre eux.
Physiologiquement, le réveil s’apparente à un ré-activation du système réticulé ascendant du tronc cérébral, similaire à l’éveil matinal. Le locus coeruleus dans le tronc cérébral peut augmenter sa libération de noradrénaline, stimulant diffusément le cortex pour le désengourdir. Le thalamus élargit à nouveau les “passerelles” sensorielles : les entrées sensorielles externes redeviennent saillantes et captent l’attention (bruits, lumière...). On passe d’un état dominé par le parasympathique à un rééquilibrage avec le sympathique (léger regain de fréquence cardiaque, tension artérielle se normalisant debout, etc.).
Sur le plan des ondes cérébrales EEG, si l’on mesurait ce moment, on verrait une accélération des fréquences : le tracé thêta diminue, laissant place à plus d’ondes alpha et bêta (>12 Hz), signatures d’un cerveau éveillé et actif. Le retour du rythme bêta surtout (15–30 Hz) indiquerait que les fonctions cognitives actives (penser, parler, bouger volontairement) reprennent le dessus.
Notons que pendant le réveil, le cerveau fait souvent un travail rapide de synthèse : le sujet peut avoir une bouffée de pensées conscientes qui assemblent les morceaux de l’expérience hypnotique (par ex. “ce que j’ai vu en transe, voici comment je le comprends”). Ce phénomène correspond possiblement à une communication intense entre l’hippocampe et le cortex préfrontal au moment où la conscience redevient pleinement online. L’hippocampe transmet au cortex frontal ce qu’il a encodé, ce qui permet éventuellement au sujet d’avoir des insights ou de se souvenir des faits marquants de la transe. Si une amnésie post-hypnotique n’a pas été suggérée, le cortex préfrontal et le cortex cingulaire postérieur du DMN vont chercher à intégrer l’expérience de transe dans la narration continue du self – le sujet se remémore ce qui s’est passé et l’incorpore à son histoire cohérente.
En somme, le réveil est marqué par un retour à l’équilibre neurofonctionnel standard. Il ne s’agit pas simplement d’une annulation de l’hypnose, car les changements appris restent, mais du point de vue de l’état de conscience, le cerveau revient au mode normal : toutes les aires retrouvent leur niveau de base d’activation et leurs interactions usuelles. Le sujet se sent parfaitement éveillé, alerte, maître de lui, signe que les lobes frontaux et pariétaux exécutifs ont repris les commandes totales de l’attention, tandis que les systèmes de surveillance et d’intégration (cingulaire antérieur, DMN) refonctionnent à plein régime.
Régions cérébrales principales sollicitées :
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Formation réticulée activatrice (tronc cérébral) – Déclenche le retour d’éveil. Elle augmente son bombardement excitateur vers le thalamus et le cortex, tirant le cerveau hors de la dynamique alpha-thêta pour le ramener à un état beta/gamma conscient. C’est l’équivalent du “réveil matin” du cerveau. Sans elle, le sujet resterait somnolent ; son action synchronisée assure que tout le cortex se réactive globalement.
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Thalamus – Rétablit la pleine ouverture sensorielle. Au réveil, le thalamus cesse de filtrer autant qu’en transe et recommence à router intensément les informations sensorielles vers le cortex. Par exemple, le sujet va subitement prêter attention aux bruits de la pièce, à la sensation de ses vêtements, etc., car le thalamus les laisse à nouveau passer vers la conscience.
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Cortex préfrontal dorsolatéral et cortex pariétal – Reprennent le mode multi-tâches conscient. Ils redéploient l’attention vers l’extérieur, gèrent la reprise du contrôle volontaire (décider de bouger, de parler). On assiste à un retour des fonctions exécutives conscientes : analyse critique, jugement, libre arbitre explicite. Le CPFDL, en particulier, récupère son rôle d’observateur interne : le sujet peut réfléchir sur ce qu’il vient de vivre, ce qui prouve que le préfrontal est pleinement revenu.
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Cortex cingulaire antérieur dorsal – Se réactive pour la surveillance. Il recommence à signaler les éventuels conflits ou besoins d’ajustement (par ex, s’il y a un désaccord entre “ce que j’ai vécu” et “ce que je pense habituellement”, le CCA peut le noter, poussant le sujet à en discuter éventuellement). Sa réactivation marque la fin de la dissociation : le sujet est de nouveau critique et interactif avec le monde.
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Réseau du mode par défaut – Revient pour la réflexion personnelle. Immédiatement au réveil, le sujet peut penser “Quelle expérience !” ou se questionner sur ce qu’il a fait : le DMN (incluant préfrontal médian, cingulaire post., etc.) s’allume pour resituer l’individu dans son fil narratif
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. Il est responsable de la prise de conscience finale de “je suis là, j’étais en hypnose, voici mes pensées à ce propos”. -
Hippocampe – Dans les secondes et minutes suivant le réveil, l’hippocampe collabore avec le cortex pour finaliser l’encodage. Il consolide une dernière fois les souvenirs de la séance (sauf amnésie suggérée) et il peut transférer certains contenus à la mémoire consciente déclarative. Par exemple, le sujet se souviendra peut-être des métaphores marquantes utilisées, ou de certaines sensations – c’est l’hippocampe qui lui en donne l’accès conscient au réveil.
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Systèmes sensoriels – Ré-engagés pleinement. Les yeux s’ouvrent et le cortex visuel reprend son traitement normal du monde réel ; pareil pour l’audition, le toucher, etc. Les éventuelles “hallucinations” hypnotiques s’estompent (ex: si le sujet avait les bras engourdis en catalepsie, il reprend sensation normale) car les aires sensorielles recalibrent leurs entrées sur la réalité présente.
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Cortex moteur – Récupère la commande volontaire. Au réveil, le sujet peut à nouveau bouger selon sa propre intention, ce qui signifie que le cortex moteur primaire, le cortex prémoteur et les ganglions de la base reprennent leur fonctionnement habituel d’initiative interne, non plus dicté par les suggestions directes. Par exemple, si le bras était immobile sous suggestion, il redevient contrôlé par la volonté du sujet (suite à la suggestion de réveil : “vous pouvez bouger vos membres”).
Discussion post-hypnotique :
Une fois le sujet complètement réveillé et revenu à un état de conscience ordinaire, s’ensuit généralement une discussion post-hypnotique entre le praticien et le sujet. Cette phase, parfois appelée débriefing, permet de faire le point sur les ressentis du sujet, de renforcer verbalement les changements positifs effectués et de répondre aux éventuelles questions. Cognitivement, le sujet analyse et met en mots ce qu’il a vécu pendant la transe. Il utilise donc ses fonctions d’introspection et de méta-cognition pour évaluer les différences (par ex. “Je me sens beaucoup plus détendu qu’avant” ou “C’était étrange quand mon bras a levité tout seul”). Émotionnellement, il peut exprimer sa surprise, sa satisfaction, parfois son scepticisme résiduel ou d’autres émotions selon ce qui a été expérimenté. Cette verbalisation des émotions fait partie de l’intégration consciente : par le langage, le sujet consolide l’appropriation de l’expérience (ex: dire “Je n’ai plus peur à l’idée de X” renforce cette réalité). Pour le thérapeute, c’est aussi l’occasion de fixer l’attention sur les succès et d’ancrer la confiance du sujet en sa capacité de changement.
Neurobiologiquement, la discussion post-hypnotique mobilise à nouveau un schéma d’activation cérébrale très proche de celui d’une conversation normale, mais avec quelques particularités dues au contenu reflété (les événements hypnotiques). Le cortex préfrontal dorsolatéral et l’aire de Broca (production du langage) s’activent intensément pour permettre au sujet de décrire son vécu. Le fait de raconter nécessite d’accéder aux traces mnésiques de la transe : l’hippocampe intervient donc pour rappeler les moments clés de l’hypnose (s’il n’y a pas d’amnésie). Ces souvenirs peuvent être fragmentaires ou comme “étiolés” – ce qui reflète que certaines parties de l’expérience ont été encodées sans contexte temporel clair sous hypnose. Néanmoins, l’hippocampe et le cortex préfrontal ensemble s’efforcent de reconstruire une narration cohérente de ce qui s’est passé, activant le réseau du mode par défaut pour situer ces événements dans la continuité du soi.
Au cours de cette conversation, le système limbique peut également être mobilisé différemment qu’en Pre-Talk. Si, par exemple, le sujet repense à un moment émotionnel de la séance (comme un souvenir triste affronté pendant la transe), il peut en reparler sans que l’amygdale ne s’active autant qu’avant la thérapie – signe que le travail hypnotique a porté ses fruits. En effet, on s’attend à ce que désormais, évoquer ce souvenir n’entraîne plus la réponse de peur ou de détresse d’antan. Des études de suivi en neuroimagerie confirment que après hypnose, l’activation de l’amygdale face à des stimuli auparavant stressants est réduite, traduisant le succès de la restructuration émotionnelle
. Ainsi, pendant le débriefing, si le thérapeute teste légèrement la réaction du sujet (en lui parlant de l’ancien problème), on peut voir en neurologie une absence d’hyperactivité limbique par rapport à avant : le cerveau du sujet traite le sujet calmement.
La conversation engage aussi le cortex cingulaire antérieur, notamment sa partie rostrale, car le sujet peut éprouver de la surprise ou de la curiosité sur son propre comportement (“Comment ai-je pu ne pas sentir le temps passer ?”). Le CCA aide à évaluer ces divergences entre l’expérience subjective sous hypnose et les attentes habituelles, sans pour autant les vivre comme des conflits anxieux (puisque globalement l’expérience a été positive). S’il reste des interrogations ou de légères incongruences, le CCA peut signaler un besoin d’explication, et le thérapeute y répond, refermant ainsi toute boucle cognitive ouverte.
De plus, le cortex orbitofrontal du sujet est sollicité pour juger l’utilité et la pertinence de ce qu’il a vécu. Cette région intégrant émotions et cognition peut générer un sentiment de récompense (“Je suis fier d’avoir réussi à faire ça”) ou au contraire de déception si l’objectif n’était que partiellement atteint (ce qui est rare immédiatement après une bonne séance, mais possible). Selon le cas, cela orientera les émotions ressenties et exprimées (fierté, gratitude, ou perplexité). Le thérapeute peut alors renforcer le sentiment positif (“Voyez comme vous avez réussi à rester calme !”) – ce qui correspond à une validation positive qui, au niveau cérébral, activera le noyau accumbens (système de récompense) du sujet, renforçant davantage les circuits de changement mis en place.
Enfin, la discussion post-hypnotique ancre la transition vers la vie courante. Le sujet, en parlant, réactive fortement ses aires corticales conscientes (frontal, pariétal, temporal) et minimalement ses aires hypnotiques. Cela signifie que le cerveau consolide que “désormais, c’est en état éveillé normal que je fonctionnerai avec ces nouveaux acquis”. Chaque fois qu’il formule un changement (“je me sens plus confiant”), il engage ses aires de langage et de pensée consciente, ce qui transfère en quelque sorte le “programme” du mode inconscient vers le mode conscient accessible. En neurolangage, on pourrait dire qu’il stocke ces phrases dans son cortex préfrontal comme des croyances actualisées.
Régions cérébrales principales sollicitées :
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Cortex préfrontal dorsolatéral et cortex du langage – Très actifs pour analyser et verbaliser l’expérience. Le CPFDL soutient la structuration du récit et l’auto-analyse (“qu’est-ce qui a changé en moi ?”) tandis que l’aire de Broca (frontal gauche) et l’aire de Wernicke (temporal gauche) gèrent la mise en mots et la compréhension du dialogue. Cette forte activation fronto-temporale signe le retour au mode narratif conscient, nécessaire pour tirer des conclusions et communiquer.
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Hippocampe – Mobilisé pour récupérer les souvenirs de la transe. Il permet au sujet de se rappeler les phénomènes marquants (images vues, sensations ressenties). S’il y a une amnésie partielle (par suggestion), l’hippocampe peut ne restituer que ce qui est autorisé ; sinon, il remet progressivement à disposition consciente l’ensemble de la séance encodée. Il est donc clé pour que le sujet puisse discuter de ce qui s’est passé.
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Amygdale (modulée) – Intervient si l’on parle des anciens stimuli de peur, mais désormais de façon atténuée. Par exemple, si le sujet évoque son ex-phobie pendant le débriefing, son amygdale n’affiche plus la réaction autrefois intense – ce qui correspond biologiquement à la réussite du traitement
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. Si au contraire l’amygdale montrait un regain d’activation au récit (ce qui se verrait par de l’anxiété dans la voix du sujet), cela indiquerait qu’un résidu de peur persiste. En général, post-hypnose, l’amygdale reste calme durant la discussion, reflet de la nouvelle sérénité acquise. -
Réseau du mode par défaut – Actif, car le sujet fait de l’introspection et de la réflexion sur soi en parlant de son expérience
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. Le cortex préfrontal médian et le cortex cingulaire postérieur l’aident à intégrer ce qui vient d’être vécu à sa narrative personnelle (« J’ai réussi à faire cela, donc je me sens capable… »). Cette intégration via le DMN est cruciale pour prolonger les effets de la séance : elle incorpore les changements dans la définition que le sujet a de lui-même. -
Cortex cingulaire antérieur – Participe au bilan en détectant les éventuelles incohérences ou questions. S’il y a des points d’étonnement (“Je ne me rappelle plus ce qui s’est passé entre telle et telle étape…”), le CCA peut susciter le questionnement. Lorsqu’il obtient des réponses rassurantes du thérapeute, il se calme, signifiant que le sujet trouve une cohérence à tout cela. Un CCA globalement peu actif durant le débriefing signale que l’expérience est acceptée sans conflit majeur.
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Cortex orbitofrontal et noyau accumbens – Impliqués dans l’évaluation de l’expérience et le ressenti de récompense. Si le sujet est content de lui, le noyau accumbens (centre du plaisir) s’active, consolidant la motivation à maintenir les changements. Le cortex orbitofrontal intègre ce feedback en “valeur” positive accordée à la séance, ce qui encouragera le sujet à recourir de nouveau à ces stratégies dans le futur.
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Aires sensorielles et motrices – Secondairement actives si le sujet décrit des phénomènes sensoriels ou mime quelque chose. Par exemple, en expliquant “j’avais le bras levé tout seul”, il peut lever le bras pour montrer – activant son cortex moteur volontaire, qui reprend le contrôle du geste initialement involontaire pour en faire une démonstration consciente. De même, raconter une imagerie visuelle peut réactiver un peu le cortex occipital, mais cette fois-ci associée à la description verbale (donc couplée au cortex temporal). Cela montre que les expériences hypnotiques sont reproductibles mentalement en état éveillé, au moins en partie, lors du récit. Ce rappel sensoriel renforce d’ailleurs les nouvelles connexions (par ex. parler de l’apaisement ressenti réactive l’état de calme, donc re-renforce les synapses de calme).
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En conclusion, chaque étape d’une séance d’hypnose – de la mise en confiance initiale (Pre-Talk) jusqu’à la réintégration finale – correspond à des profils d’activation cérébrale spécifiques et évolutifs. Le cerveau passe d’un mode conscient analytique (prépondérance frontale, dialogue cortical-thalamique intense) à un mode hypnotique profondément remanié (réseaux exécutifs et limbiques recâblés, DMN éteint, salience introspective augmentée, etc.), puis revient progressivement à l’équilibre tout en incorporant de nouvelles connexions synaptiques utiles au changement thérapeutique. Ce voyage à travers différents états neuronaux explique la richesse et l’efficacité de l’hypnose : en mobilisant tour à tour le cortex préfrontal, le système limbique, l’hippocampe, le thalamus, le cingulum et d’autres structures dans un timing stratégique, l’hypnothérapeute parvient à exploiter la neuroplasticité du cerveau pour aider le sujet à reconfigurer ses réponses cognitives et émotionnelles de façon durable. Toutes ces observations, issues des neurosciences contemporaines, confirment que l’hypnose est un état neurophysiologique particulier et un outil thérapeutique puissant, capable de moduler l’activité de régions cérébrales clés de manière ciblée
. Pour le praticien de niveau universitaire, comprendre ces corrélats cérébraux permet d’affiner la pratique hypnotique, en synchronisant au mieux les techniques (inductions, suggestions) avec les processus cognitifs et émotionnels attendus à chaque étape, maximisant ainsi l’efficacité du changement thérapeutique dans le respect du fonctionnement du cerveau.
Sources: Les affirmations ci-dessus s’appuient sur les résultats de la recherche en neurosciences cognitives et affectives appliquées à l’hypnose, notamment des études par imagerie cérébrale (fMRI, PET) et par électroencéphalographie.
Ces données éclairent d’un jour nouveau les fondements neurobiologiques de l’hypnose, offrant une validation scientifique des pratiques hypnotiques et guidant l’amélioration continue des protocoles thérapeutiques basés sur l’hypnose.