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Vision
peripherique

La vision périphérique, souvent utilisée en hypnose et en méditation, est un état où l'attention se détache du regard focalisé pour s'étendre à l'ensemble du champ visuel. Cela permet de générer un état de conscience modifié, où l'esprit devient plus calme et réceptif, favorisant des phénomènes comme l'arrêt du dialogue intérieur, la réduction des sensations corporelles ou l'apparition de perceptions altérées.

DALL·E 2024-12-03 18.08.51 - A hyper-realistic image of a person using their eyes to engage in peripheral vision during hypnosis, with a soft and gentle atmosphere. The individual.webp
DALL·E 2024-12-03 18.07.44 - A hyper-realistic depiction of peripheral vision in hypnosis, with a person in a calm environment, focusing on a point ahead of them while their perip.webp

La vision périphérique appliquée à l’hypnose – Concepts, effets et induction complète: 

 

La vision périphérique est une technique de plus en plus utilisée en hypnose pour induire un état modifié de conscience de façon douce et efficace, souvent les yeux ouverts. Elle consiste à défocaliser le regard afin d’élargir son champ visuel et son attention. Cette approche présente de nombreux bénéfices : elle permet notamment de calmer le mental (réduire le dialogue intérieur), de se détacher des sensations corporelles, de modifier la perception visuelle, tout en favorisant la relaxation physiologique.

 

Ce dossier a pour objectif d’expliquer clairement le concept de vision périphérique et comment il se distingue de la vision centrale, de détailler ses effets psychophysiologiques, de présenter les bases scientifiques qui sous-tendent son efficacité (attention, perception, états de conscience), et de proposer un protocole d’induction hypnotique complet utilisant cette technique, illustré par un exemple de discours hypnotique. Des visuels pédagogiques accompagneront les explications : mécanisme de défocalisation du regard, champ visuel central vs périphérique, effets attendus lors d’une induction, et résumé des étapes de l’induction. Le ton se veut professionnel mais accessible, s’adressant à des praticiens en hypnose désireux d’intégrer cette méthode dans leur pratique. Vision périphérique vs vision centrale : définitions et mécanismes Schéma illustrant la distinction entre vision centrale (zone verte au centre) et vision périphérique (zones jaunes sur les côtés) dans le champ visuel d’un conducteur. La vision centrale offre une perception détaillée de ce qui est visé directement, tandis que la vision périphérique capte l’ensemble de l’environnement de façon moins précise. Vision centrale (fovéale). La vision centrale correspond à la portion du champ visuel traitée par la fovéa (zone centrale de la rétine riche en cônes). C’est la vision « directe » qui permet de voir avec acuité et précision l’objet que l’on fixe. Elle ne couvre qu’un angle très étroit (seulement 1 à 2° environ du champ visuel) et fournit une image détaillée en haute résolution​

 

Par exemple, c’est grâce à la vision fovéale qu’on lit un texte ou qu’on distingue les détails d’un panneau au loin​.

 

Pour obtenir cette précision, l’œil réalise de micro-fixations successives (saccades) sur les points d’intérêt, car seule la zone centrale est très nette. La vision centrale est donc essentielle pour identifier clairement un objet ciblé, mais elle n’embrasse pas l’ensemble de la scène visuelle. Vision périphérique. La vision périphérique désigne tout ce qui est perçu en dehors du point de fixation central, c’est-à-dire à la périphérie du champ visuel. Elle couvre la quasi-totalité du champ visuel (plus de 99% de l’espace visuel​ ), avec un angle qui peut approcher ~180° horizontalement (en vision binoculaire) et ~100° verticalement chez l’humain. Contrairement à la vision fovéale, la vision périphérique fournit une perception globale, moins détaillée et plus floue de la scène. Elle est principalement assurée par les bâtonnets de la rétine, récepteurs très sensibles répartis en dehors de la fovéa​ .Ces photorécepteurs détectent efficacement les contrastes, les mouvements et la lumière faible, mais au prix d’une faible acuité et d’une vision peu colorée. Ainsi, la périphérie du regard “voit” en basse résolution, un peu comme une image périphérique floue, comprimée et déformée​. Malgré sa faible précision, la vision périphérique joue un rôle vital : elle donne rapidement une impression d’ensemble de la situation visuelle et alerte de tout changement ou mouvement dans l’environnement.

 

Par exemple, c’est elle qui nous fait percevoir un piéton qui s’apprête à surgir de côté ou une voiture arrivant latéralement, même si notre regard est fixé ailleurs​. La vision centrale peut alors prendre le relais pour analyser en détail l’élément repéré. En résumé, vision centrale = “voir clairement” un point précis, vision périphérique = “voir large” tout ce qui entoure. Les deux sont complémentaires dans la vision normale. Mécanisme de défocalisation du regard. En vision habituelle, nous alternons constamment entre focalisation (fovéale) et perception périphérique inconsciente. Il est cependant possible de dilater volontairement son attention visuelle pour privilégier la vision périphérique : c’est ce qu’on appelle “élargir le champ de conscience visuelle” ou défocaliser le regard. Concrètement, il s’agit de garder les yeux ouverts et fixes sur un point, mais de relâcher la focalisation exclusive sur ce point afin d’embrasser d’un seul coup d’œil tout l’espace autour. Cette vision panoramique consciente n’est pas naturelle de prime abord (on a tendance à refocaliser rapidement), mais on peut l’entraîner.

 

De nombreux domaines exploitent ce principe : les conducteurs l’utilisent pour surveiller leurs angles, les sportifs et artistes martiaux parlent de “regard large” ou de vision à 180° pour anticiper l’environnement, et en méditation on retrouve la pratique du regard doux ou du « open focus », qui consiste à percevoir sans fixer. En hypnose, apprendre à induire cet état de regard défocalisé permet de déclencher chez le sujet des réactions psychophysiologiques propices à la transe, comme nous allons le voir. Effets psychophysiologiques de la vision périphérique (yeux ouverts en hypnose) Lorsque l’on bascule délibérément en vision périphérique, plusieurs changements psychophysiologiques se produisent naturellement. Cette section détaille les principaux effets observés lors d’une induction en vision périphérique, tels qu’ils sont reportés par la pratique et expliqués par la science. Ils sont précieux en hypnose car ils favorisent l’entrée en transe et le travail thérapeutique. On peut citer notamment : Ralenti voire arrêt du dialogue intérieur. En élargissant le regard, on constate une diminution spontanée du flux de pensées verbales. Le brouhaha mental s’apaise, le discours intérieur perd de son intensité jusqu’à parfois se taire complètement​. Cet effet de « calme mental » est souvent recherché en hypnose car il permet au sujet d’être plus réceptif (le mental critique ou l’analyse rationnelle s’effacent au profit d’un état plus intuitif).

 

Les praticiens notent ainsi que la vision périphérique “coupe le mental” efficacement, ce qui se traduit par un sentiment de silence intérieur et de grande présence au moment présent. Dissociation corporelle et analgesie. En vision périphérique, l’attention n’est plus centrée sur les stimuli internes du corps mais largement tournée vers l’espace environnant. Naturellement, on observe une prise de recul par rapport aux sensations corporelles : le sujet se sent déconnecté du corps ou en tout cas moins focalisé sur ses ressentis physiques​. Ce phénomène de dissociation est favorable en hypnose, car il permet de diminuer la perception de douleurs ou d’inconforts modérés​ . L’induction en vision périphérique est ainsi parfois utilisée pour obtenir une légère analgésie ou un détachement des signaux corporels, utile par exemple dans les pratiques sportives en endurance (ou en préparation mentale avant une épreuve) afin d’outrepasser fatigue et douleur​. Le corps peut sembler plus léger ou lointain, facilitant des phénomènes hypnotiques comme la lévitation d’un membre ou la catalepsie, qui requièrent justement un certain décrochage de la conscience ordinaire du corps. Modification de la perception visuelle. En défocalisant le regard, la vision elle-même change de qualité. Après une ou deux minutes en fixation périphérique, des altérations perceptives légères peuvent survenir dans le champ visuel : un flou généralisé s’installe, les formes aux bords du champ peuvent se déformer ou onduler, les couleurs peuvent se troubler ou changer d’éclat​. Il ne s’agit pas d’hallucinations élaborées, mais de distorsions visuelles simples dues en partie aux phénomènes d’adaptation oculaire (effet Troxler) lorsque le regard reste fixe. En effet, le cerveau tend à “effacer” les stimuli périphériques constants lorsque l’on fixe un point, ce qui entraîne la disparition ou la transformation de certains éléments en périphérie du regard. Ces illusions bénignes (halo flou, impression que les contours bougent, zones qui disparaissent momentanément) indiquent que l’état de conscience se modifie : le sujet observe que sa vision « n’est plus tout à fait normale »​, ce qui renforce la dissociation et l’absorption hypnotique.

 

Nombre d’hypnotisés décrivent ainsi une vision « bizarre » ou comme dans un rêve pendant l’induction périphérique. Cela prépare le terrain à des phénomènes hypnotiques plus profonds (hallucinations visuelles véritables, illusions, etc., si elles sont suggérées par la suite). Réponse de relaxation et calme neurovégétatif. L’adoption d’une vision panoramique s’accompagne d’un apaisement du système nerveux autonome. Sur le plan physiologique, regarder au loin sans focaliser déclenche une réponse parasympathique de détente : le rythme cardiaque et respiratoire tendent à ralentir, la tension artérielle peut diminuer légèrement, et un sentiment général de calme et de sécurité s’installe​. C’est l’inverse de l’effet “vision tunnel” du stress. En effet, en situation d’alerte ou de concentration intense, notre vision se rétrécit et se focalise (on parle de vision en tunnel), ce qui active le système nerveux sympathique de la réaction “combat-fuite” (adrénaline, augmentation du rythme cardiaque, etc.)​.

 

À l’opposé, élargir le champ visuel en vision périphérique envoie au cerveau un signal qu’“il n’y a pas de menace immédiate”, et cela désamorce la réponse au stress​ . Le sujet ressent souvent un lâcher-prise physiologique : les épaules se détendent, un soupir ou bâillement peut survenir, signe de décharge de tension. De plus, sur le plan électrique cérébral, des études en EEG ont montré que l’état de perception périphérique correspond à une activité accrue dans la bande des ondes alpha (environ 10–12 Hz) dans le cortex occipital​, typiquement associée à un état d’éveil relaxé et d’attention ouverte (proche de celui obtenu en méditation). Cette dominance alpha reflète un ralentissement de l’activité frontale verbale et une synchronisation calmante du cerveau visuel. En somme, l’induction par la vision périphérique provoque un état neurophysiologique de relaxation vigilante, favorable pour entrer en hypnose. Facilitation de la transe hypnotique. Par l’ensemble des effets précédents – réduction du mental, dissociation sensorielle, altérations perceptives et détente neurovégétative – la vision périphérique place spontanément le sujet dans un état de conscience modifié propice à la transe. Beaucoup reportent une sensation d’étrangeté ou de dédoublement, comme « être là sans être là ». Cet état s’accompagne d’une suggestibilité accrue et d’une focalisation attentionnelle interne plus grande (paradoxalement, en ouvrant l’attention vers l’extérieur, on libère l’accès à l’expérience interne). Ainsi, simplement suivre le protocole de défocalisation du regard suffit à induire une transe légère à moyenne chez la plupart des sujets. C’est pourquoi cette technique est classée comme une induction hypnotique à part entière. Elle peut être utilisée seule, pour profiter de ses effets (par exemple se recentrer et se relaxer en quelques minutes), ou servir d’introduction avant d’enchaîner sur d’autres suggestions thérapeutiques une fois l’état obtenu​ . Notons que la vision périphérique étant praticable les yeux ouverts, elle permet de faire entrer quelqu’un en hypnose sans qu’il ferme les yeux, ce qui est utile dans certaines situations (personnes résistantes à “fermer les yeux”, inductions en mouvement dans des contextes sportifs ou artistiques, etc.).

 

Bases scientifiques : attention, perception et états modifiés de conscience

 

Afin de mieux comprendre pourquoi la vision périphérique induit de tels effets, il est intéressant de se pencher sur les bases neuro-psychologiques de la relation entre vision et attention d’une part, et vision et état de conscience d’autre part. Des recherches récentes en neurosciences cognitives et en psychologie de l’attention viennent appuyer la validité de cette approche hypnotique, en expliquant comment le fait de changer de mode visuel (focalisé vs panoramique) influence notre cerveau et notre état mental. Vision, attention et système nerveux. La façon dont nous utilisons nos yeux est étroitement liée aux systèmes d’attention dans le cerveau. Lorsque nous utilisons la vision fovéale focalisée, nous activons un mode d’attention sélective, précis, mais énergivore – on mobilise activement les ressources pour traiter un point particulier. Ce mode de focalisation visuelle est corrélé à une activation accrue du système nerveux sympathique, c’est-à-dire un état d’alerte et de stress modéré​ . En situation normale, cela nous aide à nous concentrer intensément pendant un certain temps. Cependant, si l’on maintient trop longtemps une attention visuelle étroite, le cerveau entre en surchauffe : on peut ressentir de la tension, de l’anxiété, une vision en tunnel et une sorte d’hypervigilance rigide​ . Au contraire, la vision périphérique élargie est associée à un mode d’attention ouvert et diffus. Neurologiquement, cela favorise l’activation du système parasympathique, induisant une baisse de l’éveil central excessif​ .

 

Des neuroscientifiques comme A. Huberman (Stanford) ont montré qu’en élargissant volontairement le champ visuel, on déclenche dans le tronc cérébral des mécanismes qui abaissent le niveau de vigilance et d’adrénaline, signalant au corps qu’il peut se calmer​  En somme, regarder large = calmer le cerveau, alors que regarder focalisé = exciter le cerveau. C’est un levier d’action concret sur l’attention : il a été prouvé que pratiquer la vision panoramique quelques minutes peut significativement diminuer l’état de stress perçu et l’hyperactivité mentale, y compris chez des personnes anxieuses ou TDAH, tout en améliorant ensuite la capacité de concentration​. Ce constat rejoint les techniques de mindfulness : la méditation dite d’“attention ouverte” utilise justement une attention périphérique élargie (incluant les stimuli visuels et sonores ambiants) et aboutit à des états mentaux calmes et réceptifs, comparables à l’hypnose. En hypnose, où l’on cherche souvent à réduire le contrôle frontal conscient, le recours à la vision périphérique est donc un raccourci physiologique cohérent pour atteindre cet objectif.

 

Perception visuelle et états de conscience.

La vision est notre sens dominant, et modifier volontairement la façon dont on perçoit visuellement le monde peut entraîner un changement d’état de conscience. Des études en neuropsychologie suggèrent que l’élargissement du champ perceptif s’accompagne de modifications de l’activité cérébrale compatibles avec un état de transe légère. Nous avons mentionné l’augmentation des ondes alpha occipitales lors du passage en vision périphérique. Ces ondes alpha sont généralement liées à un état de relaxation consciente, similaire à celui observé chez des méditants ou chez des sujets hypnotisés coopératifs au début de la transe. Par ailleurs, des chercheurs ont étudié le phénomène de “vision tunnel” hypnotique : il a été démontré qu’un hypnotiseur peut suggérer à un sujet hautement réceptif de rétrécir son champ visuel jusqu’à ne plus voir qu’en un point central (comme s’il regardait à travers un étroit tunnel). Une expérience classique a ainsi montré que sous hypnose, des sujets pouvaient perdre la perception d’objets en périphérie (augmentation du seuil de détection de la lumière en périphérie) alors qu’ils les percevaient normalement en état d’éveil simulé​ COLAB.WS . Cette cécité périphérique suggérée illustre le pouvoir de l’hypnose sur la vision. Inversement, on peut penser qu’élargir la vision contribue à l’hypnose : c’est précisément ce qu’on observe avec l’induction par vision périphérique, mais ici sans même recourir à une suggestion formelle – c’est la physiologie même du regard élargi qui engendre un état proche de la transe. En somme, il existe un lien bidirectionnel entre vision et état de conscience : notre état interne influence la façon dont nous voyons (stress = vision étroite, relaxation = vision large)​, et réciproquement, changer volontairement notre mode de vision influence notre état interne. Cette compréhension scientifique confère une légitimité au procédé utilisé par les hypnologues : la vision périphérique agit comme un interrupteur neurocognitif, capable de faire basculer le cerveau en mode “par défaut” (moins analytique, plus créatif et associatif) en court-circuitant le mode focal analytique. Focus scientifique : Il est intéressant de noter que la différence anatomique entre vision centrale et périphérique joue un rôle dans ces changements.

 

Les voies neuronales impliquées ne sont pas les mêmes : la vision centrale sollicite davantage les voies parvocellulaires (cortex visuel spécialisé dans les détails statiques et les couleurs), tandis que la vision périphérique mobilise les voies magnocellulaires (neurones plus grands, traitant les mouvements et l’ensemble de la scène)​ . Ces dernières, plus robustes, peuvent fonctionner en arrière-plan sans mobilisation consciente intense. Ainsi, en basculant sur le traitement magnocellulaire (périphérique), on allège la charge cognitive du cortex visuel – ce qui peut expliquer la sensation de “vide mental” agréable ressenti. De plus, élargir l’attention visuelle aurait des effets sur le réseau attentionnel dorsal du cerveau, qui est impliqué dans l’attention globale, et pourrait favoriser une communication accrue avec des réseaux de mode par défaut (imagerie mentale, mémoire autobiographique), d’où la propension aux phénomènes hypnotiques. Bien que toutes ces corrélations soient encore à l’étude, elles convergent vers l’idée qu’en changeant simplement la façon de regarder, on change la dynamique cérébrale dans un sens favorable à l’hypnose. En conclusion de cette partie, la vision périphérique se révèle un pont naturel entre la physiologie oculaire et les états modifiés de conscience.

 

Elle s’appuie sur des mécanismes innés de notre système visuel et attentionnel pour provoquer une détente mentale et corporelle, et ouvrir l’accès à l’inconscient. C’est un bel exemple de la manière dont une compréhension fine du fonctionnement du cerveau peut enrichir et affiner les techniques hypnotiques classiques. Induction hypnotique par la vision périphérique : protocole et étapes Nous abordons maintenant la mise en pratique de la vision périphérique comme technique d’induction hypnotique. Il s’agit d’un enchaînement d’instructions permettant à un sujet d’entrer progressivement en état d’hypnose en utilisant son regard. L’induction peut être guidée par le praticien (hypnose hétéro-guidée) ou bien pratiquée par soi-même (autohypnose), selon le même principe. Nous présenterons d’abord les étapes du protocole, puis un exemple de discours hypnotique illustrant comment formuler ces suggestions. Induction par défocalisation visuelle – Le sujet fixe un point devant lui et élargit peu à peu son champ visuel sans bouger les yeux. Cette technique de « vision panoramique » induit en quelques minutes un état de transe avec les yeux ouverts.

 

Étapes de l’induction en vision périphérique

 

Étape 1 : Position et choix du point de fixation. Installez confortablement le sujet (ou vous-même, dans le cas d’une autohypnose), de préférence en position assise ou debout, avec le dos droit mais sans tension. Demandez-lui de choisir un point dans son environnement, situé légèrement au-dessus de la ligne des yeux et à une certaine distance. Il peut s’agir par exemple d’une marque sur le mur en face, d’un objet posé plus loin, ou d’un point quelconque du décor. L’important est que ce point soit à une hauteur confortable pour les yeux et relativement immobile. Astuce : si possible, préférez un point assez éloigné (quelques mètres) plutôt que quelque chose de tout proche du visage, car un point lointain favorise une plus grande détente du regard (convergence oculaire moindre) et offre un panorama plus vaste autour. Par exemple en extérieur, on peut prendre un arbre ou un panneau au loin​. En salle, un coin de cadre en face peut faire l’affaire. Une fois le point choisi, la personne va fixer son regard dessus. Il ne s’agit pas de fixer intensément en se crispant – au contraire, il faut garder un regard doux et détendu. On peut cligner normalement des yeux pour rester confortable​ . Le point de fixation servira de repère central stable tout au long de l’induction.

 

Étape 2 : Focalisation du regard et début de défocalisation latérale. Durant la première minute environ, le sujet reste concentré à fixer le point choisi. L’attention peut naturellement vaciller un peu, mais l’idée est d’installer un regard fixe. Très vite, on va introduire la dissociation entre le regard et l’attention : c’est le cœur de la technique. On suggère au sujet que sans bouger les yeux, il peut commencer à élargir ce qu’il perçoit. Concrètement, “tout en gardant le regard fixé, porter attention à ce qui se trouve sur la gauche… puis sur la droite” du point. On peut guider cela graduellement : par exemple, dites-lui de noter un objet ou une forme à quelques dizaines de degrés à gauche du point, puis à droite. Si besoin, un truc pédagogique consiste à tendre ses bras de chaque côté en wiglant légèrement les doigts dans le champ périphérique du sujet, pour l’aider à prendre conscience de ses bords de vision. On fait cela jusqu’à ce qu’il puisse percevoir simultanément des éléments à gauche et à droite en gardant le point central net​. Petit à petit, on l’invite à pousser les limites : « Essayez de voir le plus loin possible à gauche… à droite… sans quitter des yeux votre point… comme si vos yeux pouvaient voir à 180° autour de vous… ». L’objectif est d’atteindre l’extrême de son champ visuel horizontal, typiquement environ 170–180° au total (c’est-à-dire voir quasiment à la hauteur des oreilles). À ce stade, la personne doit avoir la sensation d’un horizon élargi au maximum latéralement​.

 

Étape 3 : Défocalisation verticale. Une fois l’élargissement latéral acquis, on fait de même dans le sens vertical​. Toujours en gardant le regard ancré sur le point central, on suggère de prêter attention à ce qui se trouve au-dessus et en dessous. Par exemple : « Sans bouger vos yeux, prenez conscience du plafond au-dessus… et simultanément du sol en dessous, de la pièce en bas… ». Là encore, on élargit progressivement cet angle de vue mental vers le haut et vers le bas, jusqu’aux limites (environ 60–70° vers le haut, et 70–80° vers le bas, chez l’humain). Le but est d’atteindre une vision périphérique verticale maximale – on parle parfois de “vision en dôme” englobant du ciel au sol. À la fin de cette étape, le sujet regarde toujours le point devant lui, mais son attention visuelle est désormais panoramique : elle couvre à la fois large en horizontal et en vertical, embrassant quasiment tout son champ de vision périphérique.

 

Étape 4 : Vision périphérique totale et plongée en transe. À présent, le sujet est en vision périphérique complète : il perçoit sans effort conscient l’ensemble de l’espace autour de son point de fixation​. On peut alors lui suggérer de simplement profiter de cet état : « Restez ainsi, le regard doux… Prenez conscience de toute l’image autour de vous, sans chercher à la définir… Laissez vos yeux ouverts recevoir tout le paysage visuel… ». C’est le moment où les phénomènes hypnotiques décrits plus haut surviennent (calme mental, légère dissociation, etc.). On peut accompagner en décrivant ce qui peut se passer : « Tandis que votre vision s’élargit, peut-être notez-vous que votre esprit devient plus calme… que votre corps se relâche… ». À ce stade, l’induction est réalisée – généralement en 1 à 3 minutes d’exécution des étapes. Le sujet est en transe légère, les yeux ouverts en vision floue. Il est possible de poursuivre l’hypnose en gardant les yeux ouverts (par exemple pour des suggestions spécifiques tout en restant en vision périphérique), ou de proposer alors au sujet de fermer les yeux pour approfondir la transe. S’il choisit de fermer les yeux à la fin, la transition sera très facile car l’état hypnotique est déjà installé (il suffira de quelques approfondissements). Notons qu’il n’est pas obligatoire de fermer les yeux : l’un des intérêts de cette induction est précisément de maintenir une transe yeux ouverts, ce qui peut être utile pour des séances en mouvement (marche, sport) ou pour des personnes mal à l’aise avec les yeux fermés.

 

Pour bien réussir cette induction, quelques recommandations peuvent être utiles au praticien : Entraînez-vous d’abord vous-même à la vision périphérique afin de bien en saisir les nuances, vous pourrez ainsi mieux guider autrui (c’est un apprentissage, qui devient plus facile et rapide avec la pratique​. Choisissez un environnement adapté pour les premières fois : éviter une pièce trop petite ou un sujet placé face à un mur blanc trop proche, car il aurait peu de choses à voir en périphérie​. Idéalement, placez-le face à un espace ouvert, ou à une scène riche visuellement. Plus le “panorama” est vaste, plus l’effet est saisissant​. Gardez le point de fixation constant : pendant tout le protocole, le sujet ne déplace pas ses yeux vers d’autres points (l’attention seule bouge). S’il perd le point, ramenez-le gentiment à celui-ci. (4) Surveillez le clignement : ne pas se crisper au risque d’avoir les yeux qui piquent, autorisez le sujet à cligner normalement tout du long (contrairement à certaines inductions classiques où on demande de ne pas cligner).

 

Durée : l’induction complète prend généralement 2 à 5 minutes. Adaptez-vous aux réactions du sujet : certains entrent très vite en transe dès l’étape 2, d’autres auront besoin d’un peu plus de temps à élargir leur attention. Prenez un ton calme et laissez des silences pour qu’il explore ses perceptions. Enfin, (6) Sécurité : si par exemple l’exercice est fait en marchant ou en contexte sportif, assurez-vous que le sujet reste prudent (au début il vaut mieux s’entraîner en position statique avant d’essayer en mouvement)​. Exemple de discours hypnotique utilisant la vision périphérique Pour illustrer comment guider verbalement une personne dans cette induction, voici un exemple de script hypnotique possible. Ce n’est qu’un exemple parmi d’autres styles (chacun peut adapter son langage), mais il intègre les étapes et suggestions typiques de la vision périphérique. Imaginons une phase d’induction menée par le praticien : « Très bien… Installez-vous confortablement… Voilà… Maintenant, s’il vous plaît, choisissez un point en face de vous, quelque chose sur le mur là-bas… Oui, ce coin de cadre, parfait… Fixez tranquillement ce point du regard. Laissez vos yeux se poser dessus, sans effort… Vous pouvez cligner naturellement, prendre le temps… … Et tandis que vos yeux restent fixés sur ce point, je vous invite à élargir un peu votre attention… Par exemple, sans bouger les yeux, prenez conscience de ce qui se trouve juste à votre gauche… peut-être le rebord de cette étagère, ou bien juste la couleur du mur… et puis à votre droite, il y a peut-être la porte, ou une plante… Bien… Gardez le regard au centre, et en même temps percevez ces deux côtés à la fois… gauche et droite… comme si votre vision s’étirait de part et d’autre… … Vous pourriez commencer à sentir que votre vision devient plus large, n’est-ce pas ? Continuez d’élargir encore… Essayez de voir tout ce qu’il y a à gauche jusqu’au bout de la pièce… et tout ce qu’il y a à droite en même temps, sans perdre le point central des yeux… Très bien… Votre regard est toujours posé sur le petit point, et pourtant vous voyez de plus en plus de choses autour, presque sans les regarder directement… … Maintenant, faites de même de haut en bas : sans bouger les yeux, soyez conscient de ce qu’il y a au-dessus de ce point – le plafond, la lampe peut-être – et en dessous – le sol, vos mains posées sur vos genoux… Tenez ensemble le haut et le bas dans votre champ visuel… Voilà… … À présent, vous avez une vision panoramique. Vos yeux sont immobiles et détendus, votre regard est doux… et vous voyez tout, tout autour de vous… Continuez ainsi, en laissant peut-être votre vue devenir un peu floue… C’est très bien… Vous pouvez avoir l’impression de voir en périphérie comme jamais auparavant… … Tandis que vous faites cela, il est possible que vous remarquiez un changement en vous. Par exemple, peut-être que vos pensées commencent à ralentir, comme si votre esprit faisait du vide… Laissez venir ce calme, sans effort… juste en continuant de regarder large… Vous entendez ma voix et vous voyez cette scène globale… et tout devient paisible… … Vous pouvez aussi sentir que votre corps se relâche de plus en plus, que des tensions se dissolvent. Parfait… Il est même possible que ce que vous voyez commence à changer légèrement – parfois les bords peuvent devenir flous ou bouger un peu – c’est normal, c’est le signe que vous entrez dans un état de conscience différent… Vos yeux ouverts voient un peu comme dans un rêve maintenant… … Et plus votre regard reste large et ouvert, plus votre conscience peut plonger à l’intérieur de vous-même, tranquillement. Vous êtes à la fois ici, présent, regardant ce point, et en même temps ailleurs, parti dans vos sensations plus profondes… C’est cela… Une partie de vous sait que vous êtes en sécurité, et peut donc lâcher prise complètement… … [À ce stade, le sujet est en transe hypnotique. Le praticien peut continuer avec des suggestions thérapeutiques, ou bien suggérer de fermer les yeux pour approfondir :] … Et vous pouvez choisir de fermer les yeux maintenant si vous le souhaitez, pour amplifier encore plus cette agréable détente intérieure… Les fermer… ou même les garder ouverts, cela n’a plus grande importance car vous êtes déjà dans cet état de transe, n’est-ce pas ? … Très bien… » Dans cet exemple, on intègre des suggestions sur les effets en cours (« faire le vide dans la tête », « corps qui se relâche », « vision qui change ») afin de valider l’expérience du sujet et de l’amener plus loin en transe. Le langage est doux, descriptif et utilise le « vous » permissif. On pourrait aussi utiliser des métaphores (par ex. « vos yeux deviennent comme l’objectif d’un appareil photo passant en grand angle, capturant tout le paysage d’un coup » etc.) selon le style du praticien. L’important est de garder un tempo lent, avec des pauses, car la vision périphérique met le sujet dans un état quasi méditatif qu’il faut accompagner en douceur.

 

Conclusion :

 

La vision périphérique appliquée à l’hypnose s’affirme comme une approche à la fois simple et puissante pour induire un état hypnotique. En exploitant un mécanisme naturel du fonctionnement visuel, elle permet de contourner les résistances du mental et d’atteindre rapidement une détente profonde et une modification de conscience, souvent en quelques minutes. Nous avons vu qu’elle se distingue de la vision centrale par son caractère global et défocalisé, qu’elle entraîne des effets psychophysiologiques mesurables (ralentissement du dialogue interne, dissociation sensorielle, activation parasympathique, ondes alpha, etc.), et qu’elle s’appuie sur des bases neuroscientifiques solides liées à l’attention et à la perception. L’induction par vision périphérique offre en pratique un outil thérapeutique polyvalent : elle peut servir d’induction principale en début de séance, d’outil de réinduction pour réapprofondir une transe à yeux ouverts, ou encore de technique d’autohypnose que le patient pourra reproduire en autonomie pour gérer stress et douleur (après l’avoir apprise avec le praticien). De plus, son application les yeux ouverts ouvre des perspectives dans des domaines comme la préparation mentale sportive, l’apprentissage (état de « super concentration calme » propice à l’intégration d’informations) ou la gestion des anxiétés (sortir d’une crise de panique en élargissant la vision, par exemple). En tant que praticien en hypnose, intégrer la vision périphérique à votre palette d’inductions peut enrichir vos séances, notamment avec les sujets très cérébraux ou anxieux chez qui “couper le mental” est un prérequis. Cette technique, à la fois ancestrale (on la retrouve dans des pratiques de méditation orientales ou chez Milton Erickson qui utilisait son « regard périphérique flou » pour influencer le sujet​ et contemporaine (validée par des connaissances scientifiques actuelles), mérite une place de choix dans la formation en hypnose. Nous espérons que ce dossier vous aura fourni un éclairage complet, théorique et pratique, pour utiliser au mieux la vision périphérique hypnotique comme support de séance et outil thérapeutique. Il ne vous reste plus qu’à expérimenter par vous-même cette induction avec vos clients – vous serez sans doute frappé de voir à quel point élargir son regard peut ouvrir l’esprit.

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